Négociations avec le Royaume-Uni

Négociations avec le Royaume-Uni


Lors des premières négociations d'adhésion de 1961, le gouvernement conservateur britannique a posé de nombreuses conditions afin de préserver les relations économiques et monétaires privilégiées qu'entretient la Grande-Bretagne avec les États du Commonwealth. Les travaillistes manifestent également leur inquiétude de ruiner les acquis du Commonwealth au profit d'une Europe qu'ils qualifient généralement de capitaliste. Nombreux sont ceux qui craignent aussi de voir s'envoler les prix des produits en provenance des pays du Commonwealth en raison de la disparition du système de préférences impériales. Les responsables britanniques veillent par ailleurs à rassurer leurs partenaires des Dominions qui s'inquiètent vivement de se trouver désormais relégués au second rang des préoccupations de l'Angleterre. Ainsi, la Commonwealth Industries Association, puissante organisation patronale, fait vigoureusement campagne contre la candidature britannique.


Mais à la fin des années soixante, les liens de la Grande-Bretagne avec le Commonwealth se sont grandement relâchés. Tandis que les pays du Commonwealth assurent encore 48 % des importations et 49 % des exportations britanniques en 1954, la Grande-Bretagne n'importe plus en 1972 que 19 % de ses produits du Commonwealth qui n'absorbe d'ailleurs plus que 20 % des exportations britanniques. La Communauté tend, pour la même période, à remplacer toujours plus le Commonwealth dans la part des investissements extérieurs du Royaume-Uni. En outre, les liens politiques et stratégiques entre la Grande-Bretagne et les pays issus de l'Empire, malgré un traditionnel attachement sentimental, ne cessent de se dégrader au cours des années 1960.


Dès lors, les négociateurs britanniques se montrent plus flexibles et posent cette fois moins de conditions à leurs futurs partenaires européens. La décision du Royaume-Uni d'adhérer à la Communauté économique européenne (CEE) repose à la fois sur des motivations économiques et politiques. Les Britanniques sont bien conscients qu'après avoir pratiquement renoncé à la dimension impériale de leur politique étrangère, il ne leur est plus possible de se tenir écartés de la Communauté dont la position sur la scène internationale ne cesse en revanche de s'affirmer. Il leur est également de plus en plus difficile de concilier leurs relations privilégiées avec les Etats-Unis et leur rapprochement des affaires européennes. Dans le même temps, la croissance économique discontinue des Six rend chaque jour la CEE plus attractive. De son côté, la France voit désormais d'un bon oeil l'adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE dans la mesure où Paris cherche un moyen d'équilibrer la puissance allemande en Europe en s'appuyant sur les Britanniques.


Les questions les plus débattues concernent la contribution financière du Royaume-Uni aux ressources communes et sa participation à la Politique agricole commune (PAC). Ces problèmes, d'ailleurs étroitement liés, ne sont qu'imparfaitement clarifiés puisque le gouvernement Thatcher y reviendra à la fin des années quatre-vingt. Les autres pierres d'achoppement, à savoir le sucre antillais et le beurre néo-zélandais, trouvent en revanche une solution définitive. Au cours de l'été 1971, le gouvernement d'Edward Heath mène en Angleterre une intense campagne de propagande en faveur de l'adhésion au Marché commun. Le 7 juillet 1971, le gouvernement publie The United Kingdom and the European Communities, un Livre blanc dans lequel il examine point par point les avantages qu'offre l'adhésion du pays à la CEE.


La contribution financière britannique


Le problème de la contribution financière britannique est de loin le point le plus difficile à régler. En suivant la décision adoptée par les Six d’assurer le financement du budget communautaire par des ressources propres, la facture risque en effet d'être très lourde pour le Royaume-Uni. Qui plus est, la France demande aux Britanniques de payer l'entièreté de leur contribution dès leur entrée dans la Communauté économique européenne (CEE), soit près d'un cinquième du budget total. Il apparaît alors nécessaire de trouver une solution de compromis.


Selon les règles de financement communautaire, et plus particulièrement en application des principes de la préférence communautaire et de la réalisation du marché intérieur, le Royaume-Uni doit verser à la CEE des sommes importantes au titre des prélèvements agricoles. En effet, étant donné que le Royaume-Uni importe la majorité de ses produits alimentaires à partir de pays tiers, à des prix inférieurs aux prix communautaires, les prélèvements sont très élevés. Par contre, comme le secteur agricole britannique occupe une place de plus en plus faible dans l'activité économique nationale, le retour financier assuré par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricoles (FEOGA) s’avère modeste.


En outre, suivant les régions, l'agriculture britannique est soit très performante et produit à des prix très compétitifs, soit peu développée et nécessite un soutien par des subventions directes de type deficiency payments que prohibe précisément la Politique agricole commune (PAC) au profit d'un régime de prélèvements-restitutions.


Le Royaume-Uni, se sentant lésé par le mode de financement communautaire et par l’absence d’un «juste retour» cherche par tous les moyens à obtenir une diminution de sa contribution. Comme les Six sont disposés à n'accorder qu'une période de transition plus longue, le contexte politique devient tendu. Cependant, la rencontre des 20 et 21 mai 1971, entre le président français Georges Pompidou et le Premier ministre britannique Edward Heath, débouche sur une large entente et une volonté commune d’aboutir dans les négociations en cours. Dans les mois qui suivent, Londres accepte le système des préférences communautaires et consent à sa participation progressive au financement du budget de la CEE qui à terme atteint 19 % du budget communautaire total.


Le rôle international de la livre


Un point de discorde important est le rôle international de la livre sterling. La Commission attire fortement l'attention des négociateurs sur ce point. La France demande à l'Angleterre de cesser, à moyen terme, d'être une monnaie de réserve internationale. La Grande-Bretagne conserve en effet des liens monétaires étroits avec les pays de la zone sterling au sein du Commonwealth. D'autre part, les Six ne souhaitent pas éternellement soutenir la livre depuis longtemps affaiblie par une balance courante des paiements britannique en déficit chronique. Ces déficits découlent en même temps des déséquilibres courants entre les recettes et les dépenses britanniques et du fort endettement extérieur de la Grande-Bretagne. Les pays de la Communauté européenne financent en effet, par l'accroissement de leurs créances sur le Royaume-Uni ou par l'accroissement de leurs avoirs en dollars et de leurs créances sur le Fonds monétaire international (FMI), la majeure partie de l'aide financière contractée par l'Angleterre auprès des banques centrales étrangères et du FMI.


Le 21 mai 1971, une entrevue entre le Premier ministre britannique, Edward Heath, et le président français, Georges Pompidou, permet pourtant de débloquer la situation.


Un compromis sur le rôle de la livre et sur le niveau et la progression de la contribution britannique est finalement trouvé. Le texte adopté comporte cependant des ambiguïtés qui permettront aux Britanniques de rediscuter de leur contribution à la fin des années quatre-vingt.


Les relations avec les membres du Commonwealth


Les exportations de sucre des Indes occidentales et de beurre de Nouvelle-Zélande constituent des pierres d'achoppement importantes dans les négociations entre l'Angleterre et la Communauté économique européenne (CEE).


En ce qui concerne le sucre antillais, l'Angleterre se satisfait d'un engagement moral à concrétiser par des accords entre la Communauté et les pays du Commonwealth qui accepteront d'adhérer à la seconde Convention de Yaoundé, entrée en vigueur le 1er janvier 1971.


Le 23 juin 1971, un compromis est également trouvé pour les importations de beurre néo-zélandais. L'exportation de beurre vers le Royaume-Uni constitue en effet pour la Nouvelle-Zélande, pays agricole situé aux antipodes, un débouché essentiel. Finalement, un régime spécial et une période de transition adaptée sont accordés à la Grande-Bretagne pour l'aider à se conformer aux règles communautaires.

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