Les négociations d'adhésion

Les négociations d'adhésion


Pour être en mesure d’adhérer à l’Union européenne, les pays candidats ont dû reprendre l’ensemble de l’« acquis communautaire », c’est-à-dire transposer un nombre considérable de mesures communautaires dans les législations et réglementations nationales mises en place depuis la chute des régimes communistes. A cet effet, ces pays ont reçu l’aide des instances communautaires et des pays membres pour la création des structures administratives et juridiques indispensables. Les négociations se sont déroulées avec chacun des candidats dans le cadre de conférences bilatérales. Les positions de négociation de l’Union ont été définies par le Conseil à l’unanimité sur proposition de la Commission pour le premier « pilier » communautaire, et sur proposition de la présidence pour les deuxième et troisième piliers (PESC et JAI). La Commission, chargée de mener la négociation et de faire régulièrement rapport au Conseil sur l’état d’avancement des réformes dans les pays candidats, joue un rôle essentiel dans le processus, en particulier le commissaire chargé de l’élargissement, Günther Verheugen (septembre 1999 – novembre 2004) à qui a succédé Olli Rehn en 2004.


La reprise de l’acquis communautaire ne pouvant se faire partout au même rythme ni de façon complète avant l’adhésion, des mesures de transition, limitées dans le temps et dans des domaines précis, ont été prévues dès la négociation pour être inscrites dans le traité d’adhésion.


Un domaine important est laissé complètement de côté, c’est celui de l’« espace Schengen » prévoyant l’abolition des contrôles aux frontières intérieures de l’Union (sauf pour la Grande-Bretagne et l’Irlande) : les nouveaux membres ne sont pas jugés prêts à s’y conformer. Ils y participeront plus tard, sur décision du Conseil à l’unanimité. La libre circulation des personnes est limitée, à la demande de l’Allemagne et de l’Autriche qui redoutent une immigration massive. Un moratoire de 3 ans, reconductible deux fois de deux ans, a été adopté en ce qui concerne l’accès à l’emploi. Les pays membres peuvent faire valoir cette disposition en fonction du dynamisme et des besoins de leur marché de travail La libre circulation des capitaux est limitée en ce qui concerne l’achat de terres dans les nouveaux États membres où leur prix est moindre. Dans le domaine de l’environnement, sacrifié par les régimes communistes, les besoins sont tels que des périodes transitoires de dix ans sont prévues pour la mise en œuvre des directives et des cofinancements. En ce qui concerne la sûreté nucléaire, des réglementations et des contrôles sont mis en place pour les cinq pays qui disposent de centrales (Hongrie, Lituanie, Slovaquie, Slovénie, République tchèque).


Enfin, des clauses générales de sauvegarde pourront être invoquées pendant les trois années suivant l’adhésion : une clause économique générale à l’initiative des États membres ou des entrants en cas de choc macroéconomique ou concurrentiel trop rude pour certaines régions ou secteurs, et deux clauses spécifiques à l’initiative de la Commission concernant, d’une part, la « sauvegarde du marché intérieur » et, d’autre part, la justice et les affaires intérieures dans les cas de graves manquements aux règles communes. Ces clauses constituent une innovation par rapport aux précédents traités d’élargissement.


Sur le plan monétaire, les nouveaux États membres gardent leur autonomie mais devront adhérer au système monétaire européen afin de limiter les fluctuations de leurs devises à une marge de 15% autour d’un taux pivot entre chaque monnaie et l’euro pendant au moins deux ans. Ils pourront ensuite adopter la monnaie commune s’ils respectent les critères de Maastricht (stabilité des prix ; situation saine des finances publiques ; taux de change stable ; taux d’intérêt à long terme faible). Les institutions financières ne les incitent pas à adhérer trop vite, car les contraintes de politique budgétaire pourraient les gêner dans la période d’adaptation au marché unique.


Les problèmes les plus difficiles sont abordés à partir de 2001 et seront négociés jusqu’à la dernière minute avant la signature du traité d’adhésion.


L’agriculture est le plus important. D’abord en raison de la part élevée de la population agricole dans la population active des nouveaux membres : 19,2% en Pologne, 16,5% en Lituanie, 15,1% en Lettonie, 9,9% en Slovénie, 7,1% en Estonie, 6,3% en Slovaquie, 6,1% en Hongrie, 4,9% en République tchèque (pour les deux pays dont l’admission est repoussée à 2007 : Roumanie 44,4%, Bulgarie 9,7%). Ensuite car l’agriculture est la politique commune qui pèse le plus dans le budget de l’Union européenne. D’où la nécessité d'une réforme pour pouvoir l’étendre aux nouveaux membres dans un cadre financier acceptable. Il s’agit essentiellement de la baisse des prix garantis pour éviter la surproduction accompagnée d’aides compensatoires pour maintenir le revenu agricole.


Pour éviter une explosion du budget de la PAC et pour encourager l’indispensable restructuration des exploitations agricoles, les aides aux agriculteurs des nouveaux pays membres ne seront augmentées que progressivement sur onze ans selon le calendrier établi lors du Conseil européen de Bruxelles du 24 au 25 octobre 2002 et repris intégralement par le Conseil européen de Copenhague (12-13 décembre 2002). Elles ne représenteront qu’une fraction des aides versées dans les États des Quinze : 25% en 2004, 30% en 2005, 35% en 2006, 40% en 2007 et 10% de plus chaque année avant d’atteindre les 100% en 2013. Insatisfaits, les pays candidats, revendiquant une égalité de traitement avec les pays membres, ont obtenu, sur proposition de la Commission, d’augmenter les aides agricoles en utilisant les fonds européens de développement rural et des fonds nationaux. Ces compléments pourront atteindre 55% des taux plein communautaire en 2004, 60% en 2005, 65% en 2006, dont un cinquième chaque année pouvant être prélevé sur le fonds de développement rural de chaque pays. A partir de 2007, les nouveaux membres peuvent continuer à verser un complément de 30% au dessus du taux des paiements communautaires à condition qu’il soit financé par des ressources nationales. D’autres chapitres ont donné lieu à des discussions difficiles : quotas laitiers (la Pologne a dû accepter de réduire sa production), quota sucrier et isoglucose, quotas d’importation de riz et de bananes ou encore quotas de pêche aux harengs pour les pays baltes.


Un autre problème financier est celui des Fonds structurels et de cohésion. Les pays candidats en ont particulièrement besoin en raison de leur retard de développement. Sur les 105 millions de nouveaux habitants de l’Union en 2007 (après l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie) 98 seront localisés dans les régions dont le PIB par habitant sera inférieur à 75% de la moyenne de l’Union, soit 25% de la population de l’Union élargie au lieu de 18% de l’Union des Quinze. Le Conseil européen de Berlin (24-25 mars 1999) avait estimé impossible de faire bénéficier les nouveaux membres du même régime que les anciens – ce qui aurait doublé les dépenses – et avait plafonné à 4% de leur PIB les aides structurelles qu’ils recevraient, considéré comme le maximum de leur capacité d’utilisation de ces fonds. En fait, les aides structurelles pour 2006 ne représenteront que 2,5% du PIB des dix pays adhérents.


L’adhésion simultanée des îles méditerranéennes de Chypre et de Malte déplace le centre de gravité de l’Union européenne vers le Sud. Si elle pose peu de difficultés économiques, l’adhésion de Chypre soulève en revanche la question politique de la division, depuis 1974, du pays entre les communautés grecque et turque. Le 13 décembre 2002, le Conseil européen de Copenhague a cependant conclu la négociation avec Nicosie malgré l'absence d'un règlement politique à la division de l'île en dépit de toutes les tentatives diplomatiques menées sous l'égide des Nations unies. En revanche, la candidature d’adhésion de Malte à l’Union européenne a suscité de grandes difficultés politiques intérieures. En effet, en dépit des réformes engagées depuis plusieurs années, le nouveau gouvernement travailliste a gelé, en octobre 1996, la demande d’adhésion de l’île à l’Union européenne. Mais dès leur retour au pouvoir, le parti nationaliste décide, en septembre 1998, de réactiver la candidature maltaise. Le 9 mars 2003, les Maltais s’expriment par référendum à plus de 53 % en faveur de l’adhésion de leur pays à l’Union européenne.    


Les perspectives financières 2000-2006, qui prévoyaient un élargissement à six nouveaux membres à partir de 2002, doivent être adoptées pour un élargissement à dix à partir de 2004, tout en respectant le plafond des crédits d’engagement de dépenses de 42,6 milliards d’euros pour la période 2004-2006. La Commission a fait au Conseil européen de Bruxelles (24-25 octobre 2002) des propositions, reprises en majeure partie, qui s’élèvent à 39,3 milliards d’euros seulement. D’où les revendications des pays candidats qui font front commun pour obtenir des majorations, sous l’égide de la Pologne qui provoque leur réunion à Varsovie quelques jours avant le Conseil européen de Copenhague (12-13 décembre 2002) qui doit prendre les dernières décisions. Les discussions sont vives et les Quinze doivent faire des concessions, consistant surtout en facilités de trésorerie pour atténuer l’impact de la contribution au budget de l’Union dès l’adhésion des Dix alors que ceux-ci demandaient un rabais durable comme celui de la Grande-Bretagne.


En fin de compte, les crédits d’engagement maxima obtenus par les Dix pour la période 2004-2006 s’élèvent à 37.468 millions d’euros ainsi répartis:


Agriculture : 9.791 dont PAC 4.681

Développement rural 5.110

Actions structurelles : 21.747 dont Fonds structurels 14.156

Fonds de cohésion 7.591

- Politiques internes et dépenses transitoires : 4.257

- Administration : 1.673

Total : 37.468 millions d’euros


S’y ajoutent une compensation budgétaire temporaire de 987 millions pour les quatre États (République tchèque, Slovénie, Chypre et Malte) dont la contribution au budget de l’Union aurait excédé les retours financiers de l’élargissement, et un « cadeau de trésorerie » spécial temporaire de 2.399 millions permettant d’accorder aux pays adhérents à la date du 1er mai 2004 le versement de douze mois de dépenses contre huit mois de contributions.


Finalement, les crédits de paiement sont inférieurs aux attentes des pays adhérants: 25.142 millions d'euros auxquels s’ajoutent les sommes non encore dépensées des programmes d’aide de préadhésion s’achevant en 2003 et qui pourront être utilisées jusqu’en 2006, ce qui porte à 27,8 milliards d’euros les sommes que recevront les Dix en 2004-2006. Mais il faut en déduire leur contribution au budget communautaire, soit 14,7 milliards d’euros.


En définitive, le coût effectif de l’élargissement de 2004 à 2006 ne s’élèvera qu’à environ 11 à 13 milliards d’euros, sur un budget total de l’Union d’environ 100 milliards d’euros par an. Il ne représente qu’un effort très modeste (environ 3 à 4% du budget par an), financé par des moyens existants sans création de ressources supplémentaires.


En revanche, le problème s’avère être encore plus difficile à résoudre après 2006 avec l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dont le retard de développement est encore plus grand. Les élargissements probables aux pays des Balkans occidentaux et, éventuellement, à la Turquie pourraient davantage compliquer les négociations budgétaires. Dans ce contexte, et pour tenir compte de l’Europe à Vingt-sept, les discussions des perspectives financières 2007-2013 se sont déroulées dans un climat hostile. Certains États contributeurs nets ont annoncé, avant même le début des négociations, leur volonté de limiter le budget de l’Union à 1% du PIB. En même temps, les nouveaux pays membres, ainsi que les adhérents (Roumanie et Bulgarie), ont voulu faire valoir leurs besoins et peser sur l’adoption du cadre financier pluriannuel. Alors que les négociations budgétaires semblaient au point mort lors du Conseil européen de Bruxelles du 16 et 17 juin 2005, un compromis a finalement pu être trouvé lors de Conseil européen de Bruxelles du 15 et 16 décembre 2005.


Consult in PDF format