La réalisation de la PAC

La réalisation de la PAC


Les premiers pas vers la PAC


Pour la Commission, et en particulier pour le vice-président et premier commissaire à l'agriculture Sicco Mansholt, la Politique agricole commune (PAC) est un facteur essentiel de l'intégration économique européenne.


Dès son entrée en fonction, Mansholt, ancien ministre néerlandais de l'Agriculture, fait des propositions d'intégration radicales qui vont dans le sens d'un marché agricole commun.


La conférence de Stresa


Au printemps 1958, l'élaboration de la future Politique agricole commune (PAC) ne fait toujours pas l'unanimité parmi les membres de la Communauté économique européenne (CEE) en raison de leurs intérêts économiques et politiques divergents. Il faut, conformément à l'article 43 du Traité de Rome, convoquer une table-ronde à laquelle sont conviés tous les intéressés pour décider de la marche à suivre.


La conférence de Stresa (Italie) réunit, du 3 au 12 juillet 1958, un groupe de réflexion constitué des membres de la Commission, des six ministres de l'Agriculture, des dirigeants des syndicats agricoles et d'experts nationaux. Elle répond à une demande de la France, désireuse de fixer au plus vite les grandes orientations de la future politique agricole des Six : unicité des marchés, préférence communautaire et solidarité financière. Les États cherchent également à contrebalancer le pouvoir d'initiative de la Commission dans un secteur économique essentiel. De leur côté, les agriculteurs créent le Comité des organisations professionnelles agricoles des pays de la Communauté économique européenne (COPA). Suite à la conférence qui a défini de grandes orientations, le commissaire chargé de l'agriculture, Sicco Mansholt, est invité à élaborer des propositions concrètes. La Commission soumet une première série de propositions en novembre 1959. Ces propositions sont remaniées en juin 1960 sans toutefois trouver l'accord unanime des pays membres.


Sicco Mansholt, le père de la PAC


Les intérêts nationaux divergents en matière agricole obligent les négociateurs à jouer serré pour élaborer les modalités d'application du Traité portant création de la Communauté économique européenne (CEE). En 1958, le président de la Commission, Walter Hallstein, réunit une équipe d'experts autour du commissaire chargé de l'agriculture, Sicco Mansholt, pour mettre en œuvre la Politique agricole commune (PAC).


Le fait que Mansholt, ancien ministre néerlandais de l'Agriculture, soit à la fois commissaire à l'agriculture et vice-président de la Commission témoigne de l'importance accordée à sa fonction. La PAC constitue en effet un test pour la Commission dans sa capacité à organiser une politique commune. Mais la tâche de Mansholt est malaisée : il doit non seulement faire face aux résistances nationales, mais aussi établir des échanges intérieurs jusque-là inexistants. Malgré ces difficultés, il réussit néanmoins, après quatre ans de marchandages, à mener à bien le projet d'un Marché commun agricole organisé acceptable par tous les États. La PAC apparaît dès lors comme un des succès de la première phase du Marché commun.

Les propositions de la Commission


Le 30 juin 1960, la Commission, sous la présidence de Walter Hallstein et la vice-présidence de Sicco Mansholt, propose au Conseil des ministres :


- d'établir l'unicité du marché basée sur la libre circulation des produits agricoles;

- d'organiser des marchés par produits, les prix étant progressivement unifiés et garantis;

- d'assurer la préférence communautaire;

- de rendre possible une intervention commune;

- de créer un Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA);

- de mettre en place une solidarité financière.


Les entraves au commerce, tels que les droits de douane, les taxes et les subventions nationales sont supprimées. Le principe de la libre circulation s'applique aux produits agricoles : les produits exportés par chaque État membre de la Communauté économique européenne (CEE) circulent donc dans les mêmes conditions que les produits nationaux. Les réglementations administratives, sanitaires et vétérinaires ne doivent plus freiner le libre commerce. Leur harmonisation s'avère donc indispensable. Les consommateurs doivent avoir un accès libre aux produits offerts sur le marché et profiter des mêmes prix dans toute la Communauté. Parallèlement, les taux de change doivent demeurer relativement stables pour pouvoir fixer les prix agricoles en unité de compte européenne puis les convertir en monnaies nationales.


En principe et en pratique, les pays membres décident d'accorder dorénavant leur préférence aux produits de la Communauté européenne. Le but est surtout de satisfaire la demande intérieure en évitant, dans la mesure du possible, de recourir aux importations de pays tiers. La Politique agricole commune (PAC) défend ainsi les producteurs européens contre les importations à prix plus faible. Mais ce principe est en contradiction avec l'esprit de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et avec la politique des restitutions. Il implique, par exemple, que la République fédérale d'Allemagne (RFA) renonce à l'échange établi de bananes latino-américaines contre des machines allemandes et accorde désormais sa préférence aux bananes en provenance des Antilles françaises intégrées au territoire communautaire. La Communauté prélève en effet des droits sur les produits importés de pays tiers lorsque le prix du produit importé est inférieur au prix unique appliqué dans la Communauté. Ces recettes servent alors à subventionner les exportations par la réduction des prix communautaires par rapport aux prix du marché mondial.


Au nom de la solidarité financière, tous les pays membres de la CEE participent au financement des charges de la Communauté telles que les prix garantis aux agriculteurs, l'exportation des excédents ou encore la politique d'aide et d'amélioration des structures. Tous les coûts engendrés par la PAC doivent en effet être supportés en commun. L'institution communautaire qui gère les moyens financiers de la Politique agricole commune est le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) créé le 14 janvier 1962. Au niveau des pays membres, des organismes nationaux servent de relais entre le FEOGA et les agriculteurs. Ce sont eux qui interviennent pour acheter ou pour stocker les produits excédentaires ou qui perçoivent les fonds destinés à financer les dépenses de la PAC.


La PAC a pour mission d'ajuster l'offre et la demande sur les marchés agricoles européens. Les organes de la CEE achètent les productions excédentaires pour limiter l'offre et ainsi stabiliser les prix. La PAC a un caractère fortement protectionniste. Des mesures de protection limitent les importations de pays tiers et empêchent que le marché communautaire ne soit submergé par des produits vendus à plus faible prix sur le marché mondial. Les prix payés aux producteurs agricoles européens sont en effet supérieurs aux prix du marché mondial. Les producteurs agricoles communautaires sont donc à l'abri de la concurrence des pays tiers. Dans le cas d'une crise d'écoulement grave, une clause de sauvegarde permet en effet de fermer pendant un certain temps les frontières extérieures de la Communauté. Ce système permet donc de suspendre toute importation d'un certain produit agricole même si l'application stricte de ce principe est contraire aux accords du GATT.


Les produits agricoles ont été divisés en trois groupes qui bénéficient d'une protection plus ou moins importante :


- Le premier groupe de produits bénéficie de la protection la plus développée. Ces mesures concernent 70 % de la production agricole. C'est le cas de la plupart des céréales, des produits laitiers, de l'huile d'olive, du sucre et de la viande bovine. Les modalités d'intervention varient selon les produits. Les organismes d'intervention achètent les surplus en cas de surproduction.


- Le deuxième groupe de produits bénéficie d'une protection moindre. Ces mesures concernent environ 25 % de la production. C'est notamment le cas de la volaille, des œufs, de la viande porcine et des vins. Dans ce cas, la PAC se limite surtout à la perception de droits de douane et de prélèvements sur les importations. L'intervention des organismes communautaires se fait selon des modalités spécifiques pour chaque production.


- Le troisième groupe concerne tous les autres produits agricoles qui ont une importance marginale dans le revenu des agriculteurs européens. Ce groupe comprend, entre autres, le colza, le chanvre, le lin et le tournesol. Ces produits jouissent tout au plus d'une très faible protection.


Les décisions du Conseil des ministres


La substitution d'une politique agricole commune à la politique agricole nationale pose problème à certains pays membres. De nombreuses réunions sont nécessaires avant de confier le secteur agricole aux administrations communautaires. Quand, en décembre 1961, le Conseil des ministres adopte les principes de la libre circulation des produits et fixe les prix communs, la Commission peut enfin entamer l'élaboration des premiers règlements. Initialement, la Commission a prévu de réaliser un marché unifié des principaux produits agricoles dans un délai de six ans. En fait, la réalisation de ce programme ambitieux se heurtera à de nombreux problèmes et n'aboutira qu'après huit ans.


Le 14 janvier 1962, à l'issue du premier "marathon" agricole européen, le Conseil des ministres arrête les propositions de la Commission, à savoir :


- l'organisation de six marchés agricoles communs (céréales, porcs, œufs, volaille, fruits et légumes et vin);

- la mise en place des règles de concurrence;

- l'établissement d'un calendrier pour les produits laitiers, la viande de bœuf, le sucre et les autres mesures facilitant les échanges intra-communautaires.


Le même jour, le Conseil des ministres, sur proposition de la Commission, décide également de créer le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) pour financer le fonctionnement de la Politique agricole commune (PAC). Ce Fonds comprend deux sections qui répondent à deux vocations spécifiques :


- la garantie des prix;

- l'orientation des actions structurelles.


La section garantie finance les mécanismes de régularisation des marchés agricoles de la Communauté. L'orientation des actions structurelles inclut la modernisation des exploitations et des outils de transformation des produits agricoles, la diversification des entreprises agricoles, les aides au départ et la réorganisation des réseaux de distribution des produits agricoles. Les dépenses du FEOGA représentent près de 60 % du budget communautaire.


Le succès du premier grand marathon agricole permet au Conseil des ministres de décider de passer à la deuxième étape de la période transitoire pour la réalisation de l'Union douanière.


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