Le projet d'union douanière et de marché commun nordique

Le projet d'union douanière et de marché commun nordique


Au lendemain de la guerre, les pays nordiques, longtemps spécialisés dans la production de matières premières, cherchent peu à peu à développer leurs activités industrielles susceptibles d'assurer le maintien du plein emploi et l'élévation du niveau de vie. Cette orientation rend plus urgente encore la recherche de débouchés extérieurs et l'élargissement des marchés domestiques.


Au printemps 1948, les gouvernements danois, islandais, suédois et norvégien mettent sur pied un "Comité scandinave commun pour la coopération économique". La Finlande qui, le 10 juillet 1947, a notifié son refus d'accepter l'aide américaine pour la reconstruction fournie dans le cadre du Plan Marshall, n'est pas associée au projet. En janvier 1950, le Comité communique ses conclusions provisoires sur la faisabilité d'une union douanière nordique. Il plaide pour l'abolition des barrières douanières internes et estime le projet d'union douanière compatible avec les autres plans d'intégration économique européenne. Mais la Norvège, dont l'économie a fortement souffert pendant la guerre, se déclare incapable de participer activement à l'union douanière dont le projet est, en conséquence, momentanément délaissé. Réuni pour la première fois en février 1953, le Conseil nordique invite cependant les gouvernements concernés à reprendre les pourparlers pour aboutir au plus tôt à un rapport final.


Au printemps 1954, le Comité soumet au Conseil nordique son rapport final sur la création d'un marché commun nordique. L'étude est menée en étroite collaboration avec les milieux industriels concernés mais elle n'aborde pas le secteur agricole en raison des conditions de production et d'exportation jugées par trop incompatibles entre les partenaires scandinaves. Les produits agricoles constituent en effet une part importante des exportations danoises tandis que la Norvège et la Suède, dont le climat plus rigoureux rend la production plus faible, protègent leur agriculture nationale par l'application de mesures douanières protectionnistes. D'autre part, l'Islande, mécontente de voir les produits de la pêche exclus des négociations, décide d'abandonner les travaux du Comité.


Alors que les industriels et les syndicalistes danois et suédois se déclarent favorables à la mise en place d'un marché commun interscandinave, les acteurs économiques norvégiens se montrent en revanche beaucoup plus réticents et se disent incapables, compte tenu notamment du coût élevé des matières premières et du contrôle très strict des prix dans leur pays, de faire jeu égal avec leurs partenaires scandinaves. Dans leur déclaration commune, les membres danois et suédois du Comité, incapable de parvenir à un accord global, plaident pour la levée des barrières douanières endéans une période transitoire maximale de dix ans. Ils demandent également à leur gouvernement d'entamer sans tarder des négociations pour l'établissement d'un marché commun limité à certaines industries compétitives telles que le textile et la chimie. En juin 1954, le gouvernement norvégien remet à ses partenaires un projet de coopération scandinave dans le secteur de la production électrique et des nouvelles industries technologiques.


En août 1954, le Conseil nordique, réuni à Oslo, adopte une motion de compromis. Favorable à une meilleure division du travail au niveau international, le Conseil y invite les gouvernements à établir un marché commun le plus large possible mais à un rythme différencié selon les secteurs et les pays concernés. Réunies à Harpsund, en Suède, les 30 et 31 octobre 1954, les autorités politiques des trois pays nomment un nouveau comité interministériel pour la coopération économique scandinave. La Finlande les rejoint à l'automne 1956. Les travaux du comité économique portent notamment sur l'adoption d'une nomenclature douanière et statistique commune, sur les mesures anti-dumping ou sur les enseignements de l'expérience Benelux.


Le plan définitif de marché commun nordique est présenté au Conseil nordique réuni à Copenhague les 12 et 13 janvier 1958. Entre-temps, le processus de relance européenne, marqué notamment par la mise en oeuvre de la Communauté économique européenne, et le projet britannique de zone de libre-échange au sein de l'Organisation européenne de coopération économique (OECE) ont fortement modifié les données du problème de l'union douanière nordique. Le plan scandinave porte à la fois sur les matières premières, les produits finis de l'industrie chimique, les matières plastiques, les papiers, les moteurs électriques et les machines industrielles, ce qui équivaut à près de 80 % des échanges commerciaux internordiques. Les produits agricoles et de la pêche, les textiles, les secteurs sidérurgique et verrier en sont en revanche exclus.


Le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède prévoient, au terme d'une période transitoire de cinq à dix ans, de supprimer les droits de douane intérieurs et de fixer des tarifs communs vis-à-vis des pays extérieurs. Le projet fixe des règles communes en matière de concurrence et d'investissements. Il met aussi sur pied un mécanisme de coopération pour la production sidérurgique et automobile ainsi que pour la recherche et la formation professionnelle, le contrôle des mouvements de capitaux ou la politique commerciale et socio-économique. Enfin, les quatre partenaires prévoient la création d'une Banque d'investissement nordique (NIB) ouverte aux capitaux étrangers. Fidèles à la coopération intergouvernementale, ils confient la mise en oeuvre du marché commun scandinave à un Conseil des ministres secondé par un Conseil de fonctionnaires et par divers comités spéciaux. Le projet de marché commun nordique est automatiquement abandonné lorsque l'Autriche, le Danemark, la Grande-Bretagne, la Norvège, le Portugal, la Suède et la Suisse signent, le 4 janvier 1960, la Convention de Stockholm qui institue l'Association européenne de libre-échange (AELE).

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