Les activités économiques, sociales et culturelles

Les activités économiques, sociales et culturelles


Si le traité de Bruxelles peut être considéré comme l’embryon de la défense européenne reposant sur un reliquat de la Seconde Guerre mondiale, son contenu en est plus large comme l’indique son titre de «Traité de collaboration en matière économique, sociale et culturelle et de légitime défense collective» et son préambule. Celui-ci renvoie aux articles Ier, II et III qui intègrent respectivement les dimensions économiques, sociales et culturelles. La dimension économique parle, pour les Hautes Parties contractantes, d’une «étroite solidarité de leurs intérêts et de la nécessité de s’unir pour hâter le redressement économique de l’Europe» ravagée par la guerre. Il s’agit d’organiser et de coordonner les activités économiques «en vue d'en porter au plus haut point le rendement, par l'élimination de toute divergence dans leur politique économique, par l'harmonisation de leur production et par le développement de leurs échanges commerciaux». L’article II parle de l’association des efforts des Hautes Parties contractantes «par la voie de consultations directes et au sein des Institutions spécialisées, afin d'élever le niveau de vie de leurs peuples et de faire progresser, d'une manière harmonieuse, les activités nationales dans le domaine social». Enfin, l’article III insiste sur l’idée d’amener «leurs peuples à une compréhension plus approfondie des principes qui sont à la base de leur civilisation commune, et pour développer leurs échanges culturels, notamment par le moyen de conventions entre Elles».


Pour les questions militaires, c’est finalement l’Alliance atlantique qui sera prioritairement l’outil de la solidarité et de la coopération militaire au détriment de l’Union occidentale (et son Organisation de défense de l’Union occidentale, ODUO1), puis de l’Union de l’Europe occidentale (UEO2). De même dans le champ économique, le second alinéa de l’article Ier précise que ladite coopération ne fera pas double emploi avec l'activité des autres organisations économiques dans lesquelles les Hautes Parties contractantes sont ou seront représentées et n'entravera en rien leurs travaux, mais apportera au contraire l'aide la plus efficace à l'activité de ces organisations. Quant à la dimension sociale, elle repose aussi sur l’idée de concertation entre États membres en vue d’appliquer les recommandations d’ordre social approuvées en dehors de l’UEO, par ces mêmes États, dans le cadre d’institutions spécialisées.


Ainsi, le processus de dessaisissement était déjà inscrit dans le traité de Bruxelles. L’Union occidentale fut en effet progressivement dépossédée coup sur coup de l'essentiel de ses compétences avec la signature, à Paris le 16 avril 1948, de la convention créant l’Organisation européenne de coopération économique (OECE3), à Washington le 4 avril 1949, du traité de l'Atlantique Nord (Alliance atlantique), à Londres le 5 mai 1949, du Statut du Conseil de l'Europe, et, le 18 avril 1951, du traité de Paris instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA).


On perçoit le caractère très vague des formules du traité de Bruxelles qui s’explique par une divergence de vue entre Londres et les capitales du continent, particulièrement celles des pays du Benelux, quant à l’importance à accorder à l’intégration européenne. Les Britanniques craignaient notamment l’émergence d’un exécutif européen continental trop audacieux, «incontrôlable» et par trop fédéraliste. Sont également en cause les dépendances affirmées à d’autres enceintes et organisations mieux outillées pour les domaines précités tout autant que l’insistance à soutenir les conventions sociales et culturelles conclues entre certains États.


Le domaine économique fut finalement repris par l’OECE et la CECA en attendant la constitution de la Communauté économique européenne (CEE) établie par le traité de Rome de 1957. Reste que le Conseil de l’UEO servit de relais dans le cadre du dialogue entre la CEE et le Royaume-Uni


Quant au social et au culturel, malgré quelques démarches dans ces domaines par le Conseil, elles furent vite réduites à leur plus simple expression dans la mesure où aucun financement n’avait été dégagé pour ces domaines subsidiaires.


Enfin, le Statut du Conseil de l'Europe qui visait à «réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social» et qui intégrait parmi ses compétences «les domaines économique, social, culturel, scientifique, juridique et administratif ainsi que la sauvegarde et le développement des droits de l'homme et des libertés fondamentales», permit d’envisager le transfert de compétence à son profit dès avril 1959, pour terminer la cession en mai 1960. Les Anglo-Saxons et les Scandinaves firent un moment de l’obstruction avant d’imposer que ledit Conseil de l’Europe soit en quelque sorte marqué par l’intergouvernementalisme et une Assemblée parlementaire internationale (la première dans l’histoire) à la compétence uniquement délibérative.


(décembre 2009)



(1) Entre 1948 et 1950, l’ODUO fut la seule structure de défense européenne (sans troupes américaines) avant que l’Alliance atlantique ne prenne le relais en 1951 du point de vue opérationnel et que l’Union occidentale mette une sourdine définitive à son développement opérationnel au profit du traité de Washington (OTAN) dont la solidarité commune (article 5) était davantage acceptable pour le Sénat américain car moins contraignant que le traité de Bruxelles dans ce domaine de la solidarité qu’est la défense collective.

(2) Cf. article IV du traité de Bruxelles modifié et son principe de subordination aux instances et structures de l’Alliance atlantique.

(3) Cette organisation avait pour premier objectif de préparer le programme européen de relèvement justifiant l’aide américaine et pour second objectif d’allouer les fonds du plan Marshall. L’OECE fut remplacée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en septembre 1961.

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