Les délégations nationales

Les délégations nationales


Dès que le projet de congrès pour l’Europe est accepté, les organisateurs font connaître leur volonté de réunir des personnalités d’avant-plan et les forces vives du continent. Il s’agit en effet d’assurer le rayonnement du congrès et de propager, tant auprès des décideurs que de l’opinion publique, l’idée d’une Europe unie.


Pour des raisons d’organisation pratique, le nombre total des participants est limité à huit cents. En plus des délégations nationales, des observateurs des pays non libres, du Saint-Siège et des États-Unis sont invités. Chaque comité national s'efforce d'assurer à sa délégation, dans les limites numériques imposées, un caractère varié et représentatif, bien qu'aucun congressiste ne reçoive de «mandat» et participe aux travaux de La Haye à titre personnel.


Au final, le congrès compte dix-huit délégations nationales. Les pays officiellement représentés sont: l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Irlande, la France, l’Allemagne occidentale, le Royaume-Uni, l’Italie, le Liechtenstein, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède, la Suisse, la Turquie et la Grèce. Auxquels viennent s’ajouter des observateurs de la Bulgarie, du Canada, de la Tchécoslovaquie, de la Finlande, de la Hongrie, de la Pologne, de la Roumanie, de l’Espagne, des États-Unis et de la Yougoslavie. Indépendant de l'Allemagne occidentale depuis 1947, le territoire de la Sarre est lui aussi représenté par une petite délégation.


En raison de l'absence de nombreux parlementaires italiens retenus au pays par les élections présidentielles et suite aux difficultés de transport des invités turcs, le congrès rassemble finalement 740 délégués ou observateurs. Les trois délégations numériquement les plus importantes sont les délégations française, britannique et belge. Au total, les délégations et les observateurs se répartissent comme suit: Allemagne: 51; Autriche: 12; Belgique: 68; Bulgarie: 3; Canada: 2; Danemark: 32 ; Irlande: 5 ; Espagne 7; Finlande: 1; France: 155 ; Grèce: 18 ; Royaume-Uni: 145; Hongrie: 4; Islande 1; Italie: 57; Lichtenstein: 3; Luxembourg: 8; Norvège: 12; Pays-Bas: 59; Pologne: 5; Portugal: 4; Roumanie: 5; Saint-Siège: 1; Sarre: 5; Suède: 19; Suisse: 40; États-Unis: 4; Tchécoslovaquie: 10; Turquie: 1 et Yougoslavie: 3.


Parmi les participants, dont une écrasante majorité d'hommes, il n’est pas rare de relever la présence de militants pro-européens déjà actifs dans la période de l’entre-deux-guerres. C’est notamment le cas de Sir Arthur Salter, directeur du comité économique et financier de la Société des nations (SDN) et favorable en 1930 à l'adhésion du Royaume-Uni au plan Briand d'Union fédérale européenne, de Sir Walter Layton, directeur de l'Economist, du comte Richard Coudenhove-Kalergi, fondateur dès 1923 de l'Union paneuropéenne (naturalisé français en mars 1939, Coudenhove figure naturellement dans la délégation française), du Français Daniel Serruys, président en 1927 du Comité économique de la SDN, d’Émile Borel, fondateur en 1927 du Comité français pour la coopération européenne, d'Irénée van der Ghinst, fondateur de la section belge de l'Union paneuropéenne et de l'Institut d'économie européenne, du Français Jacques Lacour-Gayet, fondateur en 1925 du Comité d'action économique et douanière (CAED), du juriste Georges Scelle, militant à la Fédération française des associations pour la SDN, de l'économiste français Jacques Rueff, membre de la section financière de la SDN, ou du fédéraliste français Alexandre Marc, auteur en 1933 du livre Jeune Europe.


La composition des délégations nationales n’est pas chose aisée. Car dès les premières démarches, fin 1947, du Comité international de coordination des mouvements pour l’unité européenne, de nombreux représentants du parti travailliste britannique s’insurgent contre une présence jugée trop importante de leaders conservateurs. La direction du Labour s'efforce même de dissuader ses adhérents à se rendre à La Haye. Ils craignent en effet que le congrès de l’Europe serve surtout de tribune à Winston Churchill qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, se présente volontiers comme un champion de la cause européenne. Les travaillistes reprochent aussi à l'ancien Premier ministre britannique son anti-communisme virulent. Par solidarité avec leurs camarades britanniques, de nombreux militants socialistes européens décident alors de bouder également l’événement. En avril 1948, la Conférence internationale socialiste est prise à partie. Ce qui n’empêche toutefois pas certains responsables politiques socialistes et des syndicalistes de prendre part, mais à titre personnel, aux travaux de La Haye. C’est ainsi que figurent, au sein de la délégation britannique, plus de vingt-cinq députés travaillistes parmi lesquels Ronald Mackay, président de la section britannique de l’Union parlementaire européenne (UPE), Victor Collins, trésorier du mouvement Federal Union, ou encore le révérend Gordon Lang, secrétaire général adjoint de l’United Europe Movement.


Très disparates, les délégations nationales se composent tout à la fois d’un ancien chef d'État tel que Marcel Pilet-Golaz, ancien président de la Confédération helvétique; d’anciens Premiers ministres ou ministres des Affaires étrangères tels que le Britannique Winston Churchill, Grégoire Gafenco, ancien ministre roumain des Affaires étrangères, le député Édouard Daladier, ancien président français du Conseil, Albert-Édouard Janssen, ancien ministre belge des Finances, le député Anthony Eden, ancien ministre britannique des Affaires étrangères, Juraj Krnjevic, ancien vice-président du Conseil des ministres de Yougoslavie, Knut Kristensen, ancien Premier ministre du Danemark, le socialiste espagnol Indalecio Prieto, plusieurs fois ministre sous la République, Hjalmar J. Procopé, ancien ministre finlandais des Affaires étrangères, les députés français et anciens présidents du Conseil Paul Ramadier et Paul Reynaud, Tadeusz Romer, ancien ministre polonais des Affaires étrangères, et Paul van Zeeland, ancien Premier ministre belge; des ministres en exercice tels que le député Jacques Augarde, sous-secrétaire français aux Affaires musulmanes, Gustav Heinemann, ministre de la Justice du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Johannes Hoffmann, président du Conseil des ministres de la Sarre et François Mitterrand, ministre français des Anciens combattants; des présidents de partis ou de syndicats tels que Konrad Adenauer, président de la CDU en Allemagne occidentale, Léon Chevalme, secrétaire général de la Fédération française des métaux, Alphonse Colle, directeur du Syndicat libéral de Belgique, le député français Maurice Schumann, président du Mouvement républicain populaire (MRP), Auguste Cool, président du Syndicat chrétien de Belgique, le député social-chrétien belge Henri Lambotte, Henri Davezac, vice-président délégué du Syndicat français de la construction électrique, Ivo Duchacek, membre de l’exécutif du parti populaire chrétien tchécoslovaque, Carl Romme, président du parti catholique néerlandais, Gaston Tessier, secrétaire général de la Confédération des travailleurs chrétiens de France et Zivko Topalovic, chef du parti socialiste yougoslave; des parlementaires comme le Français Édouard Bonnefous, président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale; des hommes d’Église tels que Monseigneur Georges Chevrot et de l'internonce Paolo Giobbe, représentant le Saint-Siège; des diplomates tels qu’André François-Poncet et le marquis André d’Ormesson, ambassadeurs de France, et le comte Nicolò Carandini, ancien ambassadeur d’Italie au Royaume-Uni, des écrivains tels qu’Étienne Gilson, membre de l’Académie française, les Anglais Charles Morgan et Bertrand Russell et l’Espagnol Salvador de Madariaga; des universitaires tels que Raymond Rifflet, de l’Université libre de Bruxelles, le professeur William Rappard, directeur de l’Institut universitaire des hautes études internationales de l’Université de Genève, et Walter Hallstein, recteur de l’Université de Francfort; des juristes tels que René Capitant et Léon Julliot de La Morandière, professeurs et doyen à la Faculté de droit de Paris; des médecins tels que Lord Moran, président du Collège royal des physiciens, et le professeur Michel Polonowski, membre de l’Académie de médecine de France; des savants tels qu’Émile Borel, membre de l’Institut de France, et Gilbert Murray, ancien professeur à l’Université d’Oxford; des explorateurs tels que Peter Fleming et Henry de Ségogne, ancien commissaire français au Tourisme; des économistes comme les Français Jacques Rueff, président de l’Agence interalliée des Réparations, Maurice Allais, professeur à l’École nationale des mines, ou le Néerlandais Jan Tinbergen; des sociologues tels que Sir Harold Butler, ancien directeur du Bureau international du Travail, et Louis Salleron; des chefs d'entreprises comme Jacques Lacour-Gayet, animateur du Comité d’action économique et douanière, le baron Pierre Hély d'Oissel, président de la Compagnie Saint-Gobain, et le Néerlandais P. Otten, président de l’entreprise Philips; des artistes comme Sir Adrian Boult, chef de l’orchestre de la BBC, et Paul Landowski, membre de l’Académie française des Beaux-Arts; des journalistes et essayistes comme les Français Raymond Aron et René Courtin, professeur à la faculté de droit de Paris, Lord Walter Layton, directeur du journal News Chronicle, R. Pilsudski et Raymond Silva; des femmes d'action comme la députée Gilberte Brossolette, vice-présidente du Conseil de la République, Miss Frances L. Josephy, ancienne présidente du mouvement Federal Union, Germaine Peyroles, vice-présidente de l’Assemblée nationale française, et Claire Saunier, conseiller de la République française et présidente de la commission de l’Éducation nationale; des anciens déportés comme le député et ancien ministre français Edmond Michelet, la comtesse Jean de Suzannet; des militants syndicalistes comme le député travailliste Hugh Delargy, André Lafond, secrétaire général de la Fédération française des cheminots, et Jean Mathé, CGT-FO; des dirigeants des Mouvements fédéralistes tels que le Belge Jean Buchmann, membre du comité central de l’Union européenne des fédéralistes (UEF), le Luxembourgeois Henri Koch, secrétaire général adjoint de l’UEF, l'Italien Altiero Spinelli, membre du bureau exécutif de l'UEF, et les Français André Voisin, secrétaire général de la Fédération, Robert Bichet, président des Nouvelles équipes internationales (NEI), Alexandre Marc, directeur du département institutionnel de l’UEF, et le député français François de Menthon, président de la commission juridique de l’Union parlementaire européenne. Au sein de la délégation française: des représentants des intérêts coloniaux tels que Luc Durand-Réville, conseiller de la République, Robert Lemaignen, président du comité de l’Afrique française, Edmond Giscard d’Estaing, président du comité indochinois de la Chambre de commerce internationale (CCI), Henri Cangardel, ancien président de la Compagnie générale transatlantique et membre du comité de l’Empire français, Georges Le Brun Kéris, membre de l’Assemblée de l’Union française.

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