L'organisation matérielle et les symboles

L'organisation matérielle et les symboles


À peine l’idée d’organiser un grand congrès pour l’Europe est-elle évoquée que le sénateur catholique néerlandais Pieter A. Kerstens, ancien ministre de l’Économie et vice-président de la Ligue indépendante de coopération européenne (LICE), propose d’organiser le congrès à La Haye. Nommé président du comité d’organisation, c’est donc à lui qu’il revient de superviser les aspects logistiques de la manifestation. Il s’agit notamment de récolter dans le pays les sommes nécessaires pour accueillir, transporter et loger plusieurs centaines de délégués venant de la plupart des pays d’Europe occidentale. Faute d’hôtels en nombre suffisant à La Haye, de nombreux congressistes sont d’ailleurs logés chez l’habitant. Il faut aussi procurer aux participants des laissez-passer, assurer la traduction des travaux en anglais et en français, ronéotyper les amendements aux projets de résolutions et organiser une salle de presse.


Avec l’accord des autorités municipales et gouvernementales, Kerstens obtient l’autorisation d’occuper le Binnenhof, ancien palais des comtes de Hollande qui sert désormais de siège au gouvernement des Pays-Bas et dans lequel se trouve la célèbre Ridderzaal (Salle des chevaliers). Chaque année, cette salle attenante au Parlement néerlandais accueille les États généraux des Pays-Bas devant lesquels la reine prononce le discours du Trône. La famille royale néerlandaise est d’ailleurs très impliquée dans le déroulement du congrès puisque le 7 mai 1948, en présence du Corps diplomatique, la princesse héritière Juliana et son mari le prince Bernhard participent à la session plénière d’ouverture. Ce sera ensuite au tour du gouvernement néerlandais d’inviter les délégués au congrès à une réception officielle au château royal de Wassenaar. Des réceptions sont également organisées dans certaines ambassades.


Pour le comité d’organisation et pour le Comité international de coordination des mouvements pour l’unité européenne (CICMUE), le congrès de La Haye doit marquer les opinions publiques. C’est la raison pour laquelle la ville et tous les bâtiments officiels sont pavoisés d’un drapeau blanc sur lequel figure un «E» rouge symbolisant, dans toutes les langues, la future Europe unie. Ce n’est que quelques mois plus tard, quand il sera officiellement créé à Bruxelles que le Mouvement européen choisira définitivement comme emblème un «E» vert sur fond blanc. Dans le même ordre d’idées, un meeting populaire est organisé le 9 mai après-midi sur le Dam, au pied du palais royal d’Amsterdam. Plus de dix mille personnes y sont rassemblées pour écouter des discours dont ceux, très applaudis, de l’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill, président d’honneur du congrès de La Haye. Lui succèdent à la tribune l'ancien président du Conseil des ministres français Paul Ramadier, l'ancien ministre belge Julius Hoste, le Néerlandais Henri Brugmans, président de l'Union européenne des fédéralistes (UEF), et le député socialiste belge Georges Bohy au nom de l'Union parlementaire européenne (UPE). À la fin de la cérémonie, accompagnés par la fanfare municipale, les manifestants entonnent en chœur, et dans plusieurs langues, un hymne intitulé «Europa Één» et composé spécialement pour la circonstance par le compositeur néerlandais Louis Noiret.


Couvert par près de deux cents cinquante journalistes, le congrès de La Haye est un vrai succès médiatique. On ne compte plus en effet les articles de presse, générale ou spécialisée, qui en rendent compte. Son retentissement permet au congrès de marquer la mémoire des participants et de figurer en bonne place parmi les symboles des premiers efforts entrepris après la Seconde Guerre mondiale pour unifier l’Europe sur des bases nouvelles.


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