Le rôle opérationnel et la gestion de crise

La concertation en cas de menace, la prévention des conflits et la gestion des crises


Quand elle s’engageait, l’Union de l’Europe occidentale (UEO) mettait en avant l’article VIII du traité de Bruxelles modifié à savoir qu’ «à la demande de l’une d’entre Elles, le Conseil sera immédiatement convoqué en vue de permettre aux Hautes Parties Contractantes de se concerter sur toute situation pouvant constituer une menace contre la paix, en quelque endroit qu’elle se produise, ou mettant en danger la stabilité économique». Cette concertation impliquait une diplomatie entre capitales, ainsi que des réunions de travail au sein du Conseil et des organes de planification de l’UEO, au sein de l’Alliance atlantique, mais aussi dans le cadre des relations entre l’UEO et l’UE (Union européenne) suite aux traités de Maastricht et d’Amsterdam.


Cependant, l’UEO fut rarement engagée dans des opérations de type Petersberg. Lorsqu’elle le fut, cela concerna des missions de faible ampleur en termes de moyens, bien que parfois majeures du point de vue de la symbolique européenne, l’UEO étant coincée entre d’une part, une Alliance atlantique parfois en concurrence sur les théâtres d’opérations, et d’autres part les rivalités entre certains États. Ces tensions aboutissaient soit à snober l’UEO, soit à s’engager sous son emblème mais au prix du plus petit commun dénominateur, soit à la paralyse (Croatie à Vukovar en 1991, Afrique des Grands Lacs au Rwanda en 1996, Albanie en 1997).


Plusieurs missions légères furent néanmoins entreprises. Il y eut les actions concertées dans le golfe Persique entre 1987 et 1990: l’opération Cleansweep de déminage d’un couloir maritime à partir du détroit d’Ormuz, puis l’organisation, lors de la guerre du Golfe (1990), d’une coordination des opérations navales visant à imposer l’embargo sur les marchandises. Dans le cadre du conflit yougoslave (1992-1996), l’UEO mit en œuvre en 1992 dans l’Adriatique les missions Sharp Vigilance et Sharp Fence qui seront poursuivies un an plus tard par la mission Sharp Guard, en coordination avec l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Il s’agissait d’engager la surveillance de l’embargo décrété par les Nations unies à l’encontre de l’ex-Yougoslavie. Parallèlement, les ministres de l’UEO ont fourni une assistance (police et douane) aux trois pays riverains du Danube (Bulgarie, Hongrie et Roumanie) en vue de faire appliquer l’embargo à partir de ce fleuve. Quant au détachement de police pour l’administration de la ville de Mostar (Bosnie-Herzégovine) entre 1994 et 1996, elle sera réalisée pour le compte de l’UE, en tant que «bras armé» de l’UE, dans l’esprit du traité de Maastricht.


Plusieurs autres opérations furent dédiées à la gestion des crises entre 1997 et 2001. La mission UEO en Albanie consista à envoyer sur place un élément multinational de conseil en matière de police (EMCP). Il s’agissait de conseiller Tirana dans la restructuration de sa police et de former des instructeurs. Cette mission fut élargie sur demande de l’UE en février 1999 afin d’élargie sa zone d’action géographique et les ministères concernés, tout en jouant un rôle important pour gérer les réfugiés venant du Kosovo. La mission UEO d’assistance au déminage en Croatie (MADUEO) fut également engagée dans le cadre du traité sur l’UE. La première mission en Albanie s’est achevée le 31 mai 2001 et celle de Croatie, le 30 novembre 2001. Enfin, en vertu de l’article J.4 paragraphe 2 du traité de Maastricht, le Centre satellitaire de Torrejón créé par l’UEO apporta, dès novembre 1998, son expertise de surveillance générale de la sécurité au Kosovo au profit de l’UE, de l’OTAN et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), pour se concentrer, dès juillet de l’année suivante, sur l’édification d’une carte numérique de la zone concernée dans le cadre de l’aide à la reconstruction.


Globalement, le bilan de la participation de l'UEO à la gestion du conflit yougoslave, la non-participation aux crises africaines et à l'opération Alba(1) (au profit d'une coalition autour de l'Italie, nation-cadre), ainsi qu’une contribution souvent d'ordre strictement policier ont confirmé les enseignements de la guerre du Golfe. L'UEO est généralement absente du processus politique de peacemaking et des opérations militaires de peacekeeping. Sa présence est limitée aux mesures coercitives navales et fluviales, son absence est totale dans le domaine terrestre et aérien, et elle coordonne péniblement de modestes actions de police et de douane.


En réalité, si l'opération s’avérait légère, les États pouvaient se passer des procédures UEO et travailler dans un cadre ad hoc comme pour l'opération Alba. Si l'opération était associée à une crise majeure, l'OTAN fut alors concernée car cela impliquait directement la sécurité des États membres. Entre les deux champs de perception, se situaient les missions intermédiaires où la concurrence entre l'UEO et une coalition ad hoc de pays de l'OTAN et de pays membres du partenariat pour la paix(2) pouvaient s’exprimer, ces derniers possédant déjà une bonne expérience de missions de maintien de la paix.


Quant aux opérations de récupération de ressortissants (qui correspondaient pourtant à des missions dites de Petersberg), les États européens ont préféré travailler «nationalement», en coordination minimale avec les autres alliés (Albanie 1997, Sierra Leone 1997, Brazzaville 1997, Kinshasa 1997) plutôt que d'organiser une opération UEO dans le cadre des dix États membres. Malgré le mandat UEO concernant la surveillance de la situation en Albanie et dans l'Afrique des Grands Lacs, le groupe des plans génériques(3) n'a jamais reçu l’ordre formel d'approfondir de telles missions nonobstant l'aide des données du Centre de situation et surtout des différentes capitales.


Certaines missions de l’UEO pourront toutefois être assimilées à des tentatives de limitation de l’extension des crises. En ce qui concerne la prévention des conflits, l’UEO a joué un rôle particulier; qu’il s’agisse du contrôle des armements (ACA4), du respect des engagements de la République fédérale d’Allemagne, ou encore des travaux réalisés à travers son groupe d'experts en vérification FCE (forces conventionnelles en Europe) et son Groupe Ciel ouvert dans la création d'équipes d'inspecteurs.


En outre, les ouvertures de l'UEO vers les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) à travers le «forum de consultation» (mai 1993), la déclaration du Kirchberg (mai 1994) et les statuts différenciés et évolutifs définis au sein de l’Assemblée parlementaire de l’UEO peuvent être interprétés comme un moyen de rapprocher les différents États candidats à l’adhésion à l'UE (au sein l'UEO et de l’OTAN). Ces éléments peuvent également être interprétés comme moyens de renforcer les interactions politiques et diplomatiques au service de la promotion des principes démocratiques et des mesures de confiance. De telles interactions servent aussi une politique visant un règlement pacifique des différends pouvant impliquer différentes parties (problèmes frontaliers italo-slovène, contentieux hungaro-slovaque à propos du barrage sur le Danube, etc..).


De plus, l'UEO a mis en place un Institut d'études de sécurité à Paris dont les missions d'aide à la décision et de contacts avec des chercheurs et des instituts dans toute l'Europe participent à une démarche coopérative inscrite dans un espace étendu. Dans ce cadre, l'esprit de coopération et de prévention des différends auprès des décideurs et des relais d'opinion peut être assimilé secondairement à de la diplomatie préventive.


(décembre 2009)



(1) Force multinationale de protection chargée d’assurer la sécurité et la rapidité de la distribution de l’aide alimentaire en Albanie, 1997 (Assemblée de l’UEO, L’Union européenne dans les Balkans: Althea et autres opérations , rapport présenté au nom de la Commission de défense par João Mota Amaral, document A/1919, Paris, 7 décembre 2005, http://www.assembly-weu.org/fr/documents/sessions_ordinaires/rpt/2005/1919.pdf).

(2) Structure d’association et de coopération bilatérale entre l’OTAN et un État partenaire (souvent futur État membre candidat à l’Alliance) pour engager une coopération technique, militaire et politique dans le domaine de la sécurité et de la défense.

(3) Plans de planification d’emploi de forces selon des scénarios préétablis couvrant tous le spectre des missions dites de Petersberg. Ces travaux génériques sont mis à jour, actualisé et concrétisé en cas de décision politique d’engagement sur le terrain.

(4) Agence pour le contrôle des armements

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