Pouvoirs de la BCE

Pouvoirs de la BCE

Aux fins de réalisation de ses missions, la BCE reçoit, du traité, des pouvoirs étendus1.

La BCE dispose du pouvoir d'émission monétaire2. C'est là l'expression la plus classique de sa mission monétaire. Elle seule est habilitée à autoriser l'émission de billets de banque dans l'Union. L'émission même des billets est assurée soit par la BCE, soit par les banques centrales nationales. De façon, les conditions de reproduction et d'échange des billets abîmés ou mutilés ressortent du pouvoir de la BCE. En revanche, la frappe des pièces en euro et en cent est délaissée aux États membres, sous réserve de l'approbation du volume de leurs émissions par la BCE. Cela s'explique par la valeur symbolique des pièces dans l'imaginaire collectif et par l'influence insignifiante des volumes frappés sur l'ensemble des actifs monétaires liquides (agrégat M33) dont l'inflation est surveillée par la BCE. Le régime de l'émission relève aussi de l'Union mais est exercé par le législateur communautaire.

Le pouvoir monétaire de la BCE s'exprime aussi à travers le pouvoir qui lui est reconnu de définir et d'appliquer la stratégie de politique monétaire. Il appartient à la BCE de décider quels objectifs poursuivre, quelle valeur de la stabilité des prix définir comme admissible, à quel moment agir, quels instruments employer, etc. En période normale, ce pouvoir de conduire la politique monétaire prend la forme d'une action sur les taux directeurs et sur les obligations de réserve que doivent constituer les établissements de crédits. La BCE agit sur trois taux directeurs, lesquels encadrent les taux auxquels se réalisent les opérations de prêt ou dépôt: le taux des opérations principales de refinancement (taux repo), le taux de la facilité de dépôt et celui de la facilité de prêt marginal.

La mise en œuvre du pouvoir monétaire exige la reconnaissance d'un pouvoir normatif à la BCE4. Ce pouvoir s'exerce à l'égard des établissements de crédit à travers l'adoption de règles générales comme particulières. Le traité autorise la BCE à arrêter des règlements dans un certain nombre de cas et à prendre des décisions dans tous les autres cas. Ces actes ont la même portée que les règlements et décisions adoptées par le législateur communautaire ou la Commission. La BCE peut aussi émettre des recommandations et des avis. En complément, le traité habilite la BCE à infliger des amendes et des astreintes aux opérateurs agissant en violation de ses règles. Compte tenu de sa dimension répressive, ce pouvoir s'exerce dans les limites fixées par le Conseil. A l'égard des banques centrales nationales, le traité prévoit que la BCE puisse adopter des orientations et des instructions. Ces mesures lient leurs destinataire: leur non-respect peut ouvrir le cas échéant une procédure en manquement devant la Cour de Justice. La BCE peut conclure des accords ou arrangements avec des banques centrales n'appartenant pas à la zone euro5 ou avec des institutions financières internationales dans les domaines relevant de sa compétence. De façon plus générale, elle dispose d'un pouvoir contractuel lui permettant de s'attacher les services de personnel contractuel, d'acheter ou de vendre des biens et des services ou encore de passer des marchés publics de fourniture de services ou de travaux.

Enfin, étroitement lié au pouvoir monétaire, la BCE dispose du pouvoir de communication. De façon traditionnelle, une politique habile de communication peut produire autant, voire plus d'effets que l'adoption effective d'une mesure monétaire6. C'est le principe de transparence. La communication participe aussi de la mise en œuvre de son régime de responsabilité (ou accountability) vis-à-vis des autres autorités communautaires et plus largement des citoyens européens. Ainsi, la BCE est tenue à une série d'obligations de rapporter sur sa politique à l'égard du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Son président, ainsi que les autres membres du directoire, peuvent être entendus, à la demande du Parlement européen ou de leur propre initiative, par les commissions compétentes du Parlement européen. En pratique, la BCE va au-delà des prescriptions légales: elle publie notamment un rapport mensuel, son président se plie quatre fois par an à un exercice d'audition devant la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, chaque réunion du conseil des gouverneurs est suivie immédiatement d'une conférence de presse. Dans le contexte de la crise, la politique de communication a pris une dimension supplémentaire s'apparentant à un véritable instrument de politique monétaire. À l'issue de la réunion du conseil des gouverneurs du 4 juillet 2013, la BCE indique aux opérateurs quelles sont ses orientations concernant la trajectoire future de ses taux d'intérêt directeurs. Cette politique de «forward guidance» vise à stabiliser les taux sur le marché monétaire, alors qu'ils demeurent élevés comparativement au niveau quasi-nul des taux directeurs. L'annonce à l'avance du maintien de taux directeurs faibles doit contribuer à ancrer plus solidement les anticipations du marché.

1Martucci, Francesco, L'ordre économique et monétaire, thèse, 2007, p. 60 et s.

2Article 128 du traité FUE.

3L'agrégat M3 se compose des agrégats M1 et M2 plus les instruments négociables, tels que les pensions, les titres des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) monétaires, ainsi que les titres de créance d'une durée initiale inférieure ou égale à deux ans émis par les institutions financières et monétaires (i.e. établissements de crédit). L'agrégat M1 comprend la monnaie au sens le plus étroit: monnaie fiduciaire (billets et pièces), dépôts à vue auprès des établissements bancaires et de l'administration centrale (Poste, Trésor). L'agrégat M2 comprend M1 plus les dépôts remboursables avec un préavis inférieur ou égal à trois mois (dépôt d'épargne à court terme) et les dépôts d'une durée inférieure ou égale à deux ans (dépôt à court terme) détenus auprès des banques ou de l'administration centrale.

4Articles 132 du traité FUE et 34 des statuts du SEBC.

5Ces accords peuvent porter sur la lutte contre le faux-monnayage ou sur des échanges de devises (swap agreements).

6Blinder, Alan S., Ehrmann, Michael, Fratzscher, Marcel, de Haan, Jakob, et Jansen, David-Jan, Central Bank Communication and Monetary Policy: A Survey of Theory and Evidence, Journal of Economic Literature, 2008, vol. 46, n°4, pp. 910-945.

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