La prévention des déficits excessifs

La prévention des déficits excessifs

Le régime de prévention fait partie intégrante du semestre européen et la surveillance qu'il prévoit s'inscrit dans la continuité de la définition des grandes orientations de politique économique. Il vise à prévenir, à un stade précoce, l'apparition des déficits excessifs et des administrations publiques et à promouvoir la surveillance et la coordination des politiques économiques en soutenant ainsi les objectifs de l'UE en matière de croissance et d'emploi.

Les États membres dont la monnaie n'est pas l'euro bénéficie d'un régime «allégé» par rapport aux États membres de la zone euro: ils ne sont pas soumis à la surveillance des éléments préparatoires du budget; aucune mesure administrative ne peut leur être appliquée.

Dans le cadre de cette surveillance des politiques budgétaires, tous les États membres doivent présenter les informations nécessaires à son exercice périodique. Ces informations sont rassemblées dans un document unique, le «programme de stabilité» pour les États membres dont la monnaie est l'euro, le «programme de convergence» pour les autres. Ces documents se concentrent principalement sur la trajectoire d’ajustement budgétaire, à savoir la définition d’un objectif budgétaire à moyen terme (OBMT) et la stratégie pour le réaliser. L'objectif à terme est l'atteinte d'une position budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire. Dans cette perspective, les États membres de la zone euro et ceux participant au mécanisme de taux de change 2 (MTC 2) doivent viser un OBMT compris entre - 1 % du PIB et l'équilibre, afin de laisser suffisamment de marges aux stabilisateurs automatiques en cas de récession. Pour réaliser cet objectif, ces États membres doivent réduire de 0,5 point par an leur solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles. Un État est autorisé à s’écarter de cette trajectoire et de cet objectif lorsqu’une «réforme structurelle majeure» est mise en œuvre. Celle-ci désigne toute réforme qui entraîne des économies directes de coûts à long terme, y compris en renforçant la croissance potentielle, et qui a donc une incidence vérifiable sur la viabilité à long terme des finances publiques. Cela vise en particulier les réformes des retraites. Les États membres dont la monnaie n'est pas l'euro et qui ne participent pas au MTC 2 doivent seulement veiller à se ménager une marge de sécurité sous le plafond de 3 % du PIB fixée pour le déficit public. Les programmes de stabilité et de convergence doivent aussi exposer les hypothèses concernant l’évolution prévisible de l’économie et des principales variables économiques, une évaluation détaillée et quantitative des mesures budgétaires et des autres mesures de politiques économiques mises en œuvre pour réaliser les objectifs, etc.

Les stratégies nationales permettant l'équilibre budgétaire sont aussi encadrées. Les États membres qui ont atteint leur OBMT ne peuvent augmenter le niveau de leurs dépenses publiques qu'à un taux inférieur ou égal ou taux de croissance potentielle du PIB à moyen terme. Pour ceux qui n'ont pas réaliser leur OBMT, l'augmentation annuelle des dépenses est obligatoirement fixée à un taux inférieur à celui de la croissance potentielle du PIB de telle sorte qu'il garantisse une progression appropriée vers l'OBMT.

Chaque programme doit être déposé au plus tard le 30 avril. Il est réactualisé annuellement par l'État membre au regard de l'évolution des circonstances et de la recommandation individuelle du Conseil et/ou de l'avertissement de la Commission. Ce programme donne lieu à un rapport de la Commission, ainsi qu’à un avis émis par le comité économique et financier.1 Ces documents servent de base à la surveillance du Conseil. Le Conseil et la Commission vérifient l’absence de dérapage significatif de la situation budgétaire d’un État membre par rapport à l’OBMT et à la trajectoire d'ajustement, ainsi que la conformité des politiques économiques nationales avec les lignes directrices des GOPE. Le Conseil adopte, si nécessaire, un avis sur chaque programme de stabilité et de convergence. Le cas échéant, s'il est estimé que certains aspects, tout en étant conformes aux obligations de discipline, méritent d'être renforcés, il invite l'État concerné à modifier son programme en conséquence.

Lors de cette surveillance, mais aussi à n'importe quel autre moment, si un dérapage budgétaire ou une divergence profonde avec les GOPE est constaté lors de la mise en œuvre du programme, la Commission adresse à l'État un avertissement afin d'empêcher l'apparition d'un déficit excessif. Dans le mois qui suit, si aucun changement n'est intervenu, le Conseil adopte une recommandation (acte juridique non contraignant) à l’attention de l’État concerné. Elle expose la série de mesures que l’État doit prendre pour corriger sa situation et prescrit un certain délai pour la mise en exécution (5 mois, ramenés à 3 mois en cas de situation particulièrement grave). Si au terme de ce délai aucune amélioration n’est constatée, le Conseil peut adopter, sur recommandation de la Commission, une décision établissant qu'aucune mesure n'a été suivie d'effet. Rapport est fait de la situation au Conseil européen. À titre de sanction, le Conseil peut décider de rendre publique sa recommandation décrivant les mesures à engager afin d'alerter le marché. Depuis 2011, le régime de sanction est alourdi pour les États membres de la zone euro. La décision du Conseil établissant qu'aucune mesure n'a été suivie d'effet ouvre la possibilité au Conseil d'imposer à l'État membre concerné la constitution, auprès de la Commission, d'un dépôt portant intérêt et égal à 0,2 % du PIB de l'année précédente. Dès que l'État membre prend les mesures exigées de lui, le dépôt et les intérêts qu'il a produits lui sont restitués.

Depuis mai 2013, la prévention des déficits publics est étendue pour les États membres de la zone euro à la préparation de leurs budgets2.

Malgré son renforcement, le régime préventif présente une fragilité conceptuelle: les États membres conservent leur souveraineté budgétaire. Les demandes de correction adressées par le Conseil ou les avertissements lancés par la Commission sont des actes juridiques non contraignants. Le prononcé d'une sanction administrative sous la forme d'un dépôt contraint mais ne supprime pas la souveraineté des parlements nationaux pour voter le budget. Le Conseil ou la Commission ne peuvent pas substituer leur jugement à celui des parlements. Afin de garantir que les gouvernements maintiennent des finances publiques saines et soutenables et de prévenir tout déficit public excessif, le protocole (n°12) sur la procédure concernant les déficits excessifs inséré par le traité de Maastricht retient que les États membres veillent à ce que les procédures nationales en matière budgétaire leur permettent de remplir leurs obligations en ce domaine. À partir de 1997, des mécanismes de contrôle de la dépense publique sont institués par la quasi-majorité des États membres. Les mécanismes sont très divers d'un pays à l'autre et les résultats en pratique variables3. La Commission propose en deux temps de fixer des principes communs pour les cadres budgétaires nationaux. Les États membres de la zone euro sont invités à introduire dans leurs ordres juridiques respectifs des règles de prudence budgétaire, dont une règle d'équilibre budgétaire et un mécanisme automatique pour l'adoption de mesures correctives. Deux textes régissent dorénavant la matière : une directive du Conseil adoptée en novembre 2011 et un règlement du Conseil arrêté en mai 20134. En parallèle, les États membres de la zone euro, auxquels se sont joints tous les autres États membres à l'exception du Royaume-Uni et de la République tchèque, concluent le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance qui retient une obligation similaire.



1Cet organe, placé sous l’autorité du Conseil, est chargé de la préparation technique et administrative, des dossiers traités par le Conseil Ecofin. Il essaie de dégager, à son niveau, des accords entre ses membres, à savoir des fonctionnaires du Trésor des vingt-sept États membres.

2Règlement (UE) n°473/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l'évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro, Journal officiel n°L 140 du 27 mai 2013, p. 11.

3Commission, Public finances in EMU – 2003, European Economy, n° 2/2003, pp. 177 186 et spéc. p. 186.

4Directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, Journal officiel n°L 306 du 23 novembre 2011, p. 41; règlement (UE) n°473/2013 du Conseil, précité.

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