La correction des déficits excessifs

La correction des déficits excessifs

Les réformes introduites à la suite de la crise des dettes souveraines se traduisent par l'introduction d'un régime de correction spécifiques pour les États membres sous assistance financière. Ce régime se substitue à celui général.

Le régime général

Le volet répressif de la discipline budgétaire repose sur l’article 126 du traité FUE, tel que précisé par le protocole n°12 sur la procédure de déficit excessif et le règlement (CE) n°1467/97 révisé. Les États membres ont tous l’obligation juridique d’éviter les déficits publics excessifs. Le caractère «excessif» résulte d’un niveau de déficit budgétaire et/ou de dette publique annuels supérieurs respectivement à 3 % et 60 % du PIB. Le caractère «public» renvoie à toute dépense qui est relative au gouvernement général, c’est-à-dire émanant des administrations centrales, des autorités régionales ou locales et des administrations de sécurité sociale. Seules sont exclues les opérations commerciales. Cependant, le caractère excessif du déficit peut être écarté au cas où le dépassement de la valeur de référence est déjà en phase de résorption et atteint un niveau proche de la valeur de référence. Il en est de même si le dépassement est lié à une circonstance exceptionnelle et demeure temporaire, c'est-à-dire lié à un recul de l'activité économique de plus de 2 % du PIB. Une situation de croissance annuelle très faible peut aussi être considérée comme une circonstance exceptionnelle. Dans le cas de la dette publique, un niveau d'endettement supérieur à la limite de 60 % du PIB n'est pas considéré comme constitutif d'un déficit excessif s'il connaît une baisse à un rythme moyen d'un vingtième par an sur les trois dernières années.

Lorsqu’il ressort des programmes de stabilité ou de convergence, ainsi que des analyses statistiques de la Commission qu’un déficit public est excessif ou est susceptible de le devenir, la Commission établit un rapport sur la situation. Ce faisant, elle s’appuie aussi sur les échanges qu’elle entretient avec l’État concerné. Le comité économique et financier émet un avis sur ce rapport. Si le rapport conclut à l’existence d’un dépassement ou d’un risque de dépassement, la Commission adresse un avis et une proposition de décision au Conseil pour que celui-ci reconnaisse l’existence de la situation de déficit public excessif. Il appartient à ce dernier de décider souverainement – et après avoir entendu l’État membre concerné – si un tel déficit excessif existe. La décision du Conseil constatant l'existence d'un déficit public repose sur un jugement d'opportunité. Elle est autant politique qu’économique. L'adoption de la décision constant l'existence d'un déficit excessif déclenche la procédure de correction.

Le Conseil adresse une recommandation à l’État concerné, préconisant une série de mesures en vue de corriger le déficit dans un délai prévu. L'État doit remettre un rapport sur les mesures prises au Conseil à l'échéance convenue. Le rapport est rendu public. Les États membres de la zone euro en situation de déficit excessif doivent présenter en un programme de partenariat économique qui décrit les mesures et les réformes structurelles nécessaires pour corriger le déficit excessif. Ce programme est remis en même temps que le rapport général. Ces États sont aussi tenus à des obligations de rapports intermédiaires en matière d'exécution budgétaire.

Au cas où des circonstances économiques négatives dégradent la situation budgétaire de l'État malgré l'application des recommandations du Conseil, un délai supplémentaire d'un an peut lui être accordé et des recommandations révisées être adoptées. À l'inverse, lorsque le Conseil constate qu'aucune action suivie d'effets n'a été prise par l'État en réponse à ses recommandations, il peut les rendre publiques à la fin d'alerter tout à la fois l'opinion publique et le marché. Les sanctions sont accrues pour les États membres de la zone euro dont la négligence ou la mauvaise volonté est patente: ils doivent constituer un dépôt ne portant pas intérêt auprès de la Commission. Ce dépôt égale 0,2 % du PIB de l'année précédente. Cette sanction vise les États déjà condamnés à déposer un dépôt portant intérêt pour ne pas avoir pris les mesures de correction visant à prévenir le déficit et ceux n'ont pas respecté de façon particulièrement grave les obligations de discipline. Si l'État de la zone euro en situation de déficit excessif persiste à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, celui-ci s'expose au paiement d'une amende d'un montat égal à 0,2 % du PIB de l'année précédente ou, le cas échéant, à la conversion du dépôt constitué auprès de la Commission.

Aucune mesure contraignante autre que l'adoption de recommandations et leur publication ne peut être adoptée à l'encontre des États membres n'appartenant pas à la zone euro. Cependant, une sanction politique s'applique: l'existence d'un déficit public excessif rend inéligible pour l'adoption de la monnaie unique.

S'agissant d'un État membre de la zone euro qui persiste à ne pas prendre les actions exigées de lui, l'étape suivante consiste pour le Conseil à le mettre en demeure de prendre, dans un délai déterminé, les mesures de réduction du déficit. Un calendrier lui est fixé, ainsi qu'une décription fine des mesures à prendre. S'il y a un risque que l'État membre ne mette pas en œuvre les corrections attendues de lui, la Commission lui adresse une recommandation rendue publique et dont elle peut s'expliquer devant le parlement national.

Aussi longtemps qu'un État membre de la zone euro ne se conforme pas aux actes du Conseil, ce dernier peut décider d'appliquer ou, le cas échéant, de renforcer les sanctions et les obligations de rapporter. Les mesures contraignantes sont cumulables. Les sanctions consistent en une amende constituée d'une composante fixe égale à 0,2 % du PIB de l'année précédente et d'une composante variable. Le montant total ne peut dépasser 0,5 % du PIB.

Le Conseil abroge tout ou partie de ses décisions ou de ses recommandations si, de l'avis du Conseil, le déficit excessif a été corrigé. La fin du déficit excessif et de la procédure de correction est déclarée publiquement.

Le régime propre aux Etats membres ayant des difficultés financières

Un régime de surveillance économique et budgétaire spécifique se substitue à celui général pour les États membres de la zone euro qui connaissent ou risquent de connaître de sérieuses difficultés financières et pour ceux qui demandent à bénéficier ou bénéficient d'une assistance financières – que celle-ci soit fournie par un ou plusieurs États membres ou pays tiers, un des dispositifs européens (mécanisme européen de stabilité, fonds européen de stabilité financière, mécanisme européen de stabilisation financière) ou par une institution financière internationale. En application de ce régime, l'intensité de la surveillance économique et financière est proportionnée et proportionnelle à la gravité des difficultés financières rencontrées et tient compte de la nature de l'assistance financière octroyée. Cette discipline budgétaire ultime est initialement mise en œuvre de façon ad hoc à l'égard de la Grèce, puis de l'Irlande, du Portugal, de l'Espagne et de Chypre. Le règlement (UE) n°472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 la formalise1.

Les États membres de la zone euro qui connaissent ou risquent de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de la stabilité financière peuvent être mis par la Commission sous surveillance renforcée. La mise sous surveillance renforcée est automatique pour les États membres qui bénéficient d'une assistance financière octroyée à titre préventif. Les États membres concernés sont tenus de définir et d'adopter une série de mesures visant à faire cesser ces risques. Les mesures sont définies en concertation et en coopération avec la Commission, agissant en liaison avec la Banque centrale européenne (BCE), les autorités européennes de surveillance, le comité européen du risque systémique et, s'il y a lieu, le Fonds monétaire international. Les États membres doivent réaliser des tests relatifs à la résilience de leurs systèmes financiers, se soumettre aux évaluations de leur capacité de surveillance, communiquer à la Commission toute une série d'informations appropriées. La Commission, en liaison avec la BCE et les autorités européennes de surveillance peuvent réaliser des missions d'évaluation sur place afin d'apprécier les progrès réalisés. Elles en font rapport au Conseil. Des mesures de correction peuvent alors être proposées par le Conseil. A défaut de mise en œuvre, la recommandation peut être rendue publique.

Un État membre de la zone euro qui bénéficie ou demande à bénéficier d'une assistance financière (hors le cas des aides à titre préventif ou pour la recapitalisation du secteur bancaire) doit adopter un programme d'ajustement macroéconomique. Ce programme est élaboré en accord avec la Commission laquelle agit en liaison avec la Banque centrale européenne et, s'il y a lieu, avec le Fonds monétaire international. Il est approuvé par le Conseil. Au cas où l'État membre demande à bénéficier d'une assistance financière au mécanisme européen de stabilité ou au fonds européen de stabilité financière, le protocole régissant les conditions d'octroi de l'assistance doit être conforme au programme d'ajustement. Afin de garantir la mise en œuvre du programme, l'État coopère pleinement avec la Commission et la BCE. Il leur fournit toutes les informations que celles-ci jugent nécessaires. La Commission fait rapport au comité économique et financier (organe préparatoire des travaux du Conseil Ecofin) tous les trois mois. L'absence de progrès conformément au programme d'ajustement suspend le versement de l'assistance financière.

1Journal officiel n°L 140 du 27 mai 2013, p. 1.

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