L'importance des partis communistes


Les partis communistes, isolés et mêmes interdits après la signature du pacte de non-agression conclu en août 1939 entre Hitler et Staline, sortent renforcés de la guerre. Grâce à leurs réseaux clandestins, ils ont facilement trouvé leur place dans la Résistance après l'entrée en guerre de l'URSS en 1941. Ils comptent d'ailleurs de nombreuses victimes dans leurs rangs, ce qui conduit certains partisans communistes à se déclarer du "parti des Fusillés". La lutte antifasciste, couronnée par la victoire contre l'Allemagne hitlérienne, fait la gloire du communisme international. Staline saura habilement se servir de cette légitimité dans sa propagande internationale. Dès la fin du conflit, la diplomatie soviétique s'efforce d'installer dans les territoires libérés par l'Armée rouge des gouvernements nationaux non hostiles envers l'URSS.


Auréolés du prestige de l'Armée rouge, les partis communistes peuvent d'ailleurs compter sur un nombre important d'adhérents et d'électeurs. Ils savent en effet tirer habilement profit des injustices sociales engendrées par la guerre et des problèmes économiques de la reconstruction qui lui fait suite. Très structurés, les communistes français et italiens contrôlent de nombreuses organisations extrêmement ramifiées : syndicats ouvriers, titres de presse, organisations étudiantes et mouvements de jeunesse, associations de femmes et d'anciens combattants, clubs de loisir et colonies de vacances, etc. De grandes manifestations de masse sont organisées à la gloire du communisme et de la classe ouvrière. Ils sont également soutenus par de nombreux "compagnons de route" intellectuels. Les communistes participent aux gouvernements d'union nationale en France, en Italie, en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas. Leur objectif est notamment de renforcer leur influence dans tous les secteurs publics afin de créer les conditions favorables à l'instauration d'une nouvelle société communiste. Aux élections législatives de 1946, ils obtiennent pas moins de 18,9 % des suffrages en Italie et 28,8 % en France. Le Parti communiste (PC) obtient même la plus forte représentation à l'Assemblée nationale française. Il devient le premier parti de France. Il comptabilise 930.000 adhérents en France et 2.280.000 en Italie. Le PC belge, qui comptait 10.000 membres en 1939 en comptabilise plus de 100.000 après la Libération. Forts de cette audience électorale, les communistes parviennent notamment à enrayer les grèves contraires aux objectifs de productivité qu'ils se fixent pour faire pièce aux projets américains de reconstruction de l'Europe. Car s'ils prônent la réalisation d'une paix durable sur le continent européen, les mouvements communistes occidentaux ne tardent pas à manifester leur crainte à l'égard d'une emprise trop forte de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Ils appréhendent également la réintégration de l'Allemagne de l'Ouest dans un bloc européen trop ouvertement opposé à l'Union soviétique.


En été 1947, le début de la Guerre froide fait éclater les gouvernements d'union nationale formés au lendemain de la Libération. La sensation de Guerre froide se fait chaque jour plus prégnante. En mars 1947, les États-Unis prennent des mesures visant à contenir et à endiguer la menace soviétique en Grèce. Entre les mois de mars et de mai, les ministres communistes – qui sont écartelés entre la loyauté à leur coalition politique nationale et les mots d'ordre soviétiques - sont d'ailleurs évincés des gouvernements belge, français, italien et luxembourgeois alors même que les communistes prennent le pouvoir en Hongrie. Un mois plus tard, le secrétaire d'Etat américain George Marshall propose un ambitieux plan de reconstruction de l'Europe. Les communistes, qui conservent un très fort ascendant moral, dénoncent aussitôt l'impérialisme américain et appellent à lutter pour l'indépendance nationale. Profitant d'une situation socio-économique explosive, les PC français et italien participent activement au déclenchement de grèves importantes au cours de l'hiver 1947.


En Europe centrale et orientale, les gouvernements de "front national" comprennent également des communistes, élus au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ils occupent souvent des postes-clés, dont les ministères de l'Intérieur et des Forces armées, et ils réussissent progressivement à éliminer leurs adversaires de la vie politique. Pour ce faire, ils n'hésitent pas à profiter de l'appui de l'URSS. Les élections n'offrent bientôt plus d'alternative aux électeurs car elles se résument le plus souvent à des approbations unanimes du "front national" dominé, en pratique, par le Parti communiste. La répression s'abat rapidement sur les non-communistes. Le communisme national n'a lui-même bientôt plus droit de cité. Des purges sont entreprises et la persécution s'abat sur l'Église et ses représentants. La coupure entre l'Europe occidentale et orientale devient de plus en plus nette. La création, à la fin du mois de septembre 1947, du Kominform - bureau communiste d'information de Belgrade et succédané du Komintern d'avant-guerre - confirme cette évolution. Le "coup de Prague", en février 1948, met définitivement fin aux illusions de conciliation pacifique au-delà du rideau de fer. La bipolarisation autour des deux Grands caractérise désormais la politique internationale.


L'idée de la construction européenne est systématiquement rejetée par les communistes qui dénoncent la constitution d'un bloc occidental capitaliste sous direction américaine et refusent de voir l'Europe se transformer en protectorat atlantique. Ils craignent également de voir renaître l'Europe allemande que la résistance a combattue à peine quelques années plus tôt. Ils ne cessent dès lors d'en appeler à la défense de l'indépendance nationale et s'opposent vivement au Plan Marshall - dont l'URSS refuse en juillet 1947 de bénéficier - ainsi qu'à tous les projets d'intégration européenne. Les forces politiques socialistes et démocrates-chrétiennes, qui ont pour elles une solide tradition internationaliste, sauront canaliser à leur profit la peur du communisme stalinien.

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