Pierre Werner et la construction européenne dans les années 1974-1984

Pierre Werner et la construction européenne dans les années 1974-1984


Durant la décennie 1974-1984, l’Europe vit des événements majeurs.


La crise monétaire à la fin des années 1960 et le début des années 1970, les phénomènes inflationnistes, les chocs pétroliers de 1974 et 1979 et la dégradation sévère de la conjoncture internationale, plongent notre continent dans une situation de crise. Il s’agit d’une crise de confiance, crise de volonté, crise de lucidité qui se superposent sur la crise économique1. Pour combattre la récession, les États membres s’éloignent de la solidarité communautaire pour se replier sur eux-mêmes. Après l’abandon de facto de la mise en œuvre du rapport Werner, du fait de la désunion et de l’incapacité décisionnelle de la Communauté, le processus d’intégration européenne piétine et sa dynamique semble bloquée2.


Un regard rétrospectif sur cette période montre que, malgré des circonstances difficiles, l’édification de l’Europe progresse pourtant. La relance arrive grâce aux petits pas qui prennent la place des avancées spectaculaires caractéristiques des années 1960. La poursuite de la réflexion sur l’Union économique et monétaire et la naissance du Système monétaire européen, l’élection du Parlement européen au suffrage universel, les questions institutionnelles, la coopération politique, le financement de la politique agricole commune, ou l’élargissement de la Communauté de neuf à dix comptent parmi les réalisations de la décennie. Un nouveau leadership suite à l’avènement au pouvoir de Valéry Giscard d’Estaing (1974) et de Helmut Schmidt (1976) marque la construction européenne de son empreinte. Les résultats les plus significatifs sont toutefois principalement le fruit des mécanismes intergouvernementaux qui n’avaient pas été prévus par le traité de Rome et qui échappent au système communautaire proprement dit.


Lors de cette période, Pierre Werner endosse deux rôles successifs, d’où la division de la période analysée en deux intervalles distincts. De 1974 à 1979 il est député, chef du groupe parlementaire chrétien-social à la Chambre, alors que son parti, qui avait dirigé tous les gouvernements depuis 1944, passe dans l’opposition. Il consacre les années de ce qu’il considère «la traversée du désert» notamment aux grands dossiers de la politique interne (crise de la sidérurgie, dialogue social, expansion économique), sans pour autant abandonner l’engagement européen et les domaines d’intérêt remontant à ses fonctions antérieures (UEM, démocratie chrétienne, place financière). Il siège également au conseil communal de la ville de Luxembourg. Cinq ans plus tard, le Parti chrétien-social sort vainqueur du scrutin de 1979 et Pierre Werner, plébiscité par l’électorat, revient aux affaires en tant que Premier ministre. Il y reste jusqu’en 1984, quand il choisit de quitter la scène politique, tout en restant actif dans la vie publique à travers son engagement dans la promotion de l’UEM, ainsi que dans le développement des médias et de l’audiovisuel.

1Déclaration sur l’état de la Communauté. In Bulletin des Communautés européennes, janvier 1974, n° 1, pp. 5-8. Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes.

2 «Alors qu’elle s’était courageusement attaquée, hier, aux grands problèmes de l’heure (le charbon et l’acier, l’énergie atomique, l’unité du marché intérieur, la politique agricole commune), la Communauté a eu tendance, depuis une dizaine d’années, à s’enliser dans un byzantinisme juridique et d’interminables débats budgétaires, qui ont quelque chose de dérisoire par rapport aux immenses défis auxquels l’Europe était confrontée». MICHEL, Albert. Un pari pour l’Europe. Paris: Éditions Seuil, 1983, p. 30.

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